• Le langage de nos élus, c'est celui de l'antitourisme

    Je pense que certains de nos élus locaux se reconnaîtront dans cet article...

    Le regard que porte, François Ollandini, sur le tourisme n'est pas seulement économique, il est éthique dans la vision, esthétique dans le style. Sévère aussi dans l'analyse...

    Médiocrité ,selon lui, de l'hôtellerie, la restauration, l'accueil... et l'environnement urbain et les routes...

     "médiocre à mes yeux ou à ceux du touriste"

     

    "Avec le tourisme, nous marchons sur la tête, nos deux mains en appui."

    "Par ma critique amusée et passionnée, en me mettant à la place du touriste, j'essaye de marcher sur mes deux pieds, et ainsi, tête redressée, défendre un tourisme d'étalement et de dépense, même si, pour cela, il faut faire, collectivement, l'inverse de ce que nous faisons."

    Il est « commandeur ». Des Arts et des Lettres, il en a l'insigne. Du tourisme, il en a la stature. François Ollandini a hérité d'une entreprise familiale, plus que centenaire, dont il a multiplié les effectifs par dix et le chiffre d'affaires par cent. Parallèlement, avec son épouse Marie-Jeanne, il a fait du lazaret qui porte leur nom, un espace de création, de liberté, d'événements artistiques, où les sculptures sont des gardiennes régénératrices de nos esprits, où les mots, de science, de poésie, de littérature ou de philosophie se mêlent aux embruns de la mer attenante qui leur confèrent une saveur saline. Et on sait que depuis la nuit des temps, le sel est un gage d'hospitalité et d'amitié. Carl Gustav Jung ne disait-il pas que le sel et l'esprit sont proches parents ?

     

    Le regard qu'il porte sur le tourisme n'est pas seulement économique, il est éthique dans la vision, esthétique dans le style. Sévère aussi dans l'analyse, comme si l'expérience, pour ne pas dire l'âge, autorisait François Ollandini à asséner ses quatre vérités avec un mélange de cynisme et d'espoir. Alors, selon la formule consacrée, suivons le guide...

    Vous jetez sur le tourisme un regard désabusé, pourquoi ?

    Désabusé, moi ? Amusé plutôt. Amusé et passionné. Avec le tourisme, nous marchons sur la tête, nos deux mains en appui. Par ma critique amusée et passionnée, en me mettant à la place du touriste, j'essaye de marcher sur mes deux pieds, et ainsi, tête redressée, défendre un tourisme d'étalement et de dépense, même si, pour cela, il faut faire, collectivement, l'inverse de ce que nous faisons.

    L'inverse, parce que tout serait médiocre à vos yeux, l'hôtellerie, la restauration, l'accueil...

    ... et l'environnement urbain et les routes... et..., lisez mon livre. Mais, médiocre à mes yeux ou à ceux du touriste ? Interrogeons-le. Sur ces points précis et d'autres. Ce qui a été fait dans les années 80 et 90 avec 20 000 questionnaires « aux frontières ». Pas avec 2 000 comme aujourd'hui, ce qui ne permet que des généralités... et des préjugés.

    Un préjugé, celui de dire que notre mentalité, notre identité même, refuserait toute notion de service ?

    Qui doit chercher l'adhésion de la population au tourisme, par ce qu'ils disent et font... sinon les élus ? Et est-ce moi qui parle de « peuple de larbins » ou de « porteurs de bagages » ? Larbins, bien sûr, que nous ne voulons pas être, et bagages, bien sûr, que nous ne voulons pas porter. Quand nos élus parlent ce langage typique de l'antitourisme, nous avons, alors, le tourisme du « malgré nous » que nous avons. Ce qui conforte la population dans l'inintérêt ou l'hostilité qu'elle porte à ce tourisme sans grand étalement et sans grande dépense touristique.

    Vous leur rendez bien la monnaie de leur pièce à ces élus que vous qualifiez de paresseux et d'inopérants et qui voient le tourisme comme un mal nécessaire...

    Un mal nécessaire, c'est la définition la plus « raciste » du tourisme que je connaisse. Un tourisme d'« immigration » non consenti. Par une telle définition, le tourisme n'est pas un péché véniel, mais mortel. À écarter ou transformer. D'où « l'excuse » et « l'éthique ». Voir le Plan (dit) de développement de la Corse de 1993, écrit en pleine stagnation touristique. Voir le livre...

    Puisqu'on parle de planification, la Corse du tourisme fonctionnerait à vos yeux comme un ancien pays du bloc de l'Est...

    La politique y est reine. L'économie, chose soumise et subalterne. Oui, comme dans l'ancien bloc de l'Est.

    On a vu ce que cela a donné. Un bel exemple aujourd'hui : le service (dit) public de transport qui ne nomme même pas ce public qu'il transporte 8 fois sur 10, et qui le transporte 7 fois sur 10 entre juin et septembre. Ce public, c'est le touriste, pas le résidant. Et c'est ce système (de monopole) qui ne marche pas à Marseille que l'on veut aujourd'hui... transporter à Toulon (et demain à Paris-Roissy ?) pour remplacer un système de concurrence qui coûte 8 fois moins cher... quand il est aidé. Et cela, au nom de l'économie. Cherchez l'erreur.

    Quelle est la part de responsabilité du touriste que vous qualifiez d'utopique et d'égocentrique et du Corse « qui n'aime pas partager » ?

    La part du touriste y est nulle. Si la Corse n'en veut pas, il va ailleurs. La part, non pas du Corse mais de la Corse, est prépondérante. Si elle en veut, qu'elle se mette à son service. En mettant dans la « masse » touristique une « masse » de qualité. Elle en tirera alors encore bien plus de richesses et d'emplois.

    Parlons-en de l'emploi. Lorsqu'on regarde les dernières statistiques sur le chômage des jeunes, on se dit que le tourisme n'est plus vraiment le moteur de l'économie...

    Pépé ne sait pas tout ! Je ne connais pas ces dernières statistiques dont vous parlez. Mais une question : quel est alors, pour les jeunes dont vous parlez, le moteur de l'économie ? Je serais curieux de le savoir...

    Comment expliquer le racisme antitouriste ?

    Le manque de qualité dans la masse explique le racisme antitouriste. Masse inerte, masse informe. Formatons-la, vivifions-la. Ce n'est pas notre « touriste » qui manque de qualité, c'est notre « tourisme ». Celui que nous faisons. Donc, a contrario, faire du tourisme de Corse ce qui a été fait des vins de Corse. Qui parle de la « masse » des vins produits en Corse ? Mais là, il y a les locomotives. Elles s'appellent AOC. Ayons les multiples AOC du tourisme, dans la transversalité du tourisme qui est à la fois public, privé et associatif.

    Vous expliquez, en gros, qu'Ajaccio est tout sauf une cité touristique...

    Capitale administrative, elle l'est. Capitale touristique, elle l'a été et ne l'est plus depuis plus de 20 ans. Cité touristique, elle l'est encore, mais mal. La qualité touristique, ça se chiffre. Voyez Biarritz, voyez Ajaccio, voyez le livre. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. La réalité, elle se révèle à travers ces chiffres, pas à travers les mots. Mais rien n'est perdu. Voulons et travaillons.

    Au final, avec un bilan aussi accablant, comment expliquer qu'une moyenne de 90 000 touristes réside en Corse chaque jour ?

    C'est en effet la « ville touristique » de Corse, l'équivalent de 90 000 touristes-permanents chaque jour. Un tiers de la population résidante. Ils viennent « malgré nous ». Ils débarquent « en masse », parce que la Corse est un pays de détente et de dépaysement. Une Corse belle, une culture forte, des Corses accueillants. Mais oui, accueillants... individuellement. C'est le collectif qui manque. Et ils débarquent, avec, par an, 80 % des 185 millions d'euros d'aides pour leur transport (dit) public et 10 millions d'aides pour leur séjour public et privé.

    Cherchez, là aussi, l'erreur.

    D'ailleurs, vous suggérez qu'au lieu de donner des subventions pour financer des bateaux vides, on devrait creuser un tunnel à Vizzavona...

    Les bateaux vides ne profitent ni aux résidants ni aux touristes, puisqu'ils restent vides. Grâce à la subvention ou à cause de la subvention, posons la question. On ne parle pas des bateaux vides de Toulon mais de ceux de Marseille, pourquoi ? La subvention non liée au passager, c'est-à-dire 8 fois sur 10 au touriste, profite aux compagnies subventionnées pour leur mauvaise gestion, et qui sont et seront d'autant plus subventionnées qu'elles géreront plus mal. Le tunnel de Vizzavona, lui, profiterait aux touristes... et encore plus aux résidants. Pour une troisième fois, cherchez l'erreur.

    Vous qui jouez un rôle éminent dans la vie culturelle, vous ne vous dites pas, finalement, que vous avez en partie raté votre vie ?

    J'aurais pu avoir une autre vie en effet. Mais dans ma vie professionnelle, n'ai-je pas montré en étant, à ma manière, l'un des « hérauts » du tourisme, que le tourisme d'étalement et de dépense, ça pouvait et ça peut marcher en Corse ? D'autres comme moi l'ont fait. Faisons-le collectivement. Avec nos élus pour donner le cadre... et l'envie.

    Propos recueillis par Jean-Marc Raffaelli - Copyright Corse Matin - Publié le mardi 23 novembre 2010

     


  • Commentaires

    1
    Riventosa
    Mardi 1er Février 2011 à 12:56
    mdr
    ahaha, "vous voulez savoir?? alors achetez mon livre". "tout ce que je pense est dans mon livre achetez le", par contre dessus il n'y a pas comment j'ai fonctionné dans le tourisme. Mr Ollandini donner des leçons c'est très bien mais faites un peu le tour de "vos" hôtels, l'accueil et la qualité ne sont pas toujours au rendez vous. C'est quoi la qualité du tourisme pour vous? faire visiter la Corse au 3eme age en 3 jours avec une pause pipi de temps à autres .
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